
Les termes anglais Baby Brain ou Mummy Brain désignent le phénomène bien connu de la femme en fin de grossesse ou en postpartum qui oublie tout, est tête en l’air, semble déconnectée de la vie de tous les jours hors bébé, il n’y a que lui qui compte. Quelle toute jeune maman n’a pas oublié où elle a posé ses clés, oublié de manger, oublie la notion de l’heure, se rend compte à 15h qu’elle n’a toujours pas pris de douche, a du mal à se concentrer ?
Ou, autre aspect du même phénomène, quelle femme enceinte au 3e trimestre ou maman toute fraîche ne supporte pas les nouvelles terribles, surtout si elles concernent des enfants, ne supportent plus les films violents, voir dans la vie réelle les foules, les endroits bruyants, le trop plein de stimulations, se trouve d’un coup hypersensible ? Le phénomène de la « nidification » en fin de grossesse est assez connu, où la femme prépare son nid, arrange son intérieur, se tourne vers l’accueil du bébé.
Dans notre société patriarcale orientée efficacité masculine, concurrence et compétitivité, les capacités cérébrales changeantes de la jeune maman ont été souvent moquées, dévalorisées (les femmes sont soumis à leurs hormones, elles deviennent un peu « limitées » pour ne pas dire bêtes…), alors qu’il ne s’agit que d’un aspect de cette réalité. L’autre aspect montre que la nature est vraiment bien faite, et que cette réorganisation neuronale ou plasticité cérébrale qui a lieu sous l’effet des hormones (principalement l’ocytocine) en fin de grossesses particulièrement et dans les premières semaines postpartum fait partie d’un plan de Mère Nature pour nous préparer et nous aider dans notre rôle de maman, gardienne d’une toute nouvelle vie totalement dépendante de nous.
Accentué par la fatigue et l’adaptation à la nouvelle réalité, le Baby Brain n’en est pas moins un phénomène tout à fait physiologique, puisque orchestré par nos hormones. En effet durant la grossesse, la matière grise d’une partie du cerveau diminue, pour réorganiser et renforcer d’autres zones du cerveau. Ainsi la capacité neuronale analytique est amoindrie, ainsi que la mémoire à court terme, par contre l’effet important, dont on ne parle pas quand on se moque gentiment des femmes sous leur Baby Brain ou Mommy Brain, c’est que les zones activées et renforcées confèrent de nouvelles capacités à la nouvelle maman : habiletés sociales, d’empathie et une sensibilité renforcées (se tourner vers l’autre, avoir de l’empathie envers son bébé), capacité d’attachement (le job premier d’une mère c’est de tisser le lien avec son nouveau-né), capacité à décoder le langage non verbal (indispensable pour comprendre notre bébé qui ne parle pas encore). La jeune maman devient plus sensitive, plus intelligente émotionnellement, plus intuitive, plus centrée sur les valeurs sociales. Plus apte aussi à faire plusieurs choses en même temps (multi-tasking) ou rapidement l’une derrière l’autre. Tous ses sens sont hyper développés (odorat, ouïe… ), et elle devient plus relax, tolérante à la routine ou l’ennui, aux tâches répétitives (les journées avec bébés sont tournées vers ses besoins à lui).
Je me souviens bien de cet état, lors de mes fins de grossesses, où la moindre nouvelle à la radio parlant de crime, d’attentat ou autre me faisait pleurer, je ne voulais plus rien écouter, et une fois mon premier enfant né, je ne m’intéressait plus à grand-chose d’autre qu’à lui, mes journées étaient rythmées par ces besoins, j’étais comme dans une bulle, le reste du monde pouvait bien s’agiter, cela ne m’atteignait pas, je voulais juste cocooner pour bien vivre ses premiers temps de maman. Je me souviens avoir adoré ce temps-là, adoré ces premières semaines où je me suis révélée être une maman comblée, alors qu’avant je me demandais si j’allais en être capable. J’aimais bien que les amis viennent me voir, ou plutôt voir mon bébé, mais comme une maman louve je protégeais mon bébé de bras trop intrusifs, je le sortais beaucoup mais ne supportais pas toutes ses mains qui voulaient le toucher. A l’époque je n’avais jamais entendu parler du Baby Brain ou du « mode bébé », et lorsqu’il y a quelques années je me suis penchées sur les recherches sur ce sujet, j’ai été vraiment fascinée par tout ce qu’on a trouvé et comment elles ont bien expliquées cet état comme tout à fait naturel, et passager, normal et nécessaire pour l’accueil d’un nouveau-né.
Toutes les femmes par contre n’accueillent pas cet état qui leur semble inconnu et certaines le vivent mal. Je pense que c’est en partie parce qu’on n’en parle pas assez, on ne prépare pas les jeunes mamans à se laisser aller à leurs nouvelles sensations et points forts, sans s’inquiéter des autres habiletés qui sont un peu endormies, mais reviendront d’ici quelques mois. Cet état différent peut donc être mal vécu, et je le comprends. J’ai eu la chance de bien m’y adapter et de le savourer, aussi parce que j’ai pris beaucoup de temps, j’avais choisi de ne pas travailler, de vivre ma maternité entièrement, mais je comprends celles qui sont prise à dépourvu et s’inquiètent de ne plus se reconnaître, de ne plus se sentir elles-mêmes. Alors Mama, saches que c’est normal, c’est une phase prévue par notre état de mammifère sans doute, par notre constitution hormonale de nouvelle maman, de devenir pour un temps un peu différente, d’avoir d’autres préoccupations, d’autres façons de vouloir vivre. Si on en parlait plus, tu n’en serais pas aussi émue et bouleversée, et ton entourage pourrait mieux l’accepter. Combien de jeunes papas ont été consternés de constater les changements dans leur partenaire, la jeune femme devenue maman se révèle être un peu différente qu’il avait imaginé. Rassurons-les, c’est très bon signe !
Alors on a le choix, on peut blâmer notre mémoire qui n’est plus aussi aiguisée, notre concentration amoindrie pour les choses analytiques, ou embrasser notre Baby Brain, aimer notre nouvelle version de nous, temporaire, qui caractérise ce temps de maternité. Il est temps, Nouvelle Mama, de revendiquer le Baby Brain comme une chance, une parenthèse dans ta vie de femme, (qui semblerait peut durer jusqu’à deux ans, mais peut être plus courte, c’est variable), pour te permettre de te mettre en « pause », en « mode bébé » (c’est pour ça que je préfère le terme Baby Brain). Le stress étant le plus grand ennemi du « mode Baby Brain », essaie, précieuse Mama, de ne pas être perfectionniste, de lâcher prise, et de vivre ces semaines intenses à la découverte de ton bébé sereinement et d’aimer ta nouvelle façon d’être, et je te rassure, tu ne seras pas comme ça le restant de ta vie, juste le temps qu’il faut. Au lieu de résister, accepte ces changements, tu peux les voir comme une bénédiction, une occasion d’expérimenter autre chose, de vivre pleinement cette maternité, en te concentrant sur le plus important, ton bébé, toi , (ton Mamatoto), et ta famille ! Si nous, femmes, arrivons à aimer et revendiquer le Baby Brain comme une chance de nous tourner pleinement vers notre nouveau-né, et à ne pas nous dévaloriser mais à faire comprendre que si c’est prévu par la nature c’est qu’elle est bien faite, (les recherches vont bien dans ce sens et sont vraiment fascinantes), alors nous arriverons à faire comprendre à la société masculine aussi (femmes et hommes), que ce n’est pas une faiblesse, mais une force de notre nature de Nouvelle Mama !
Alors Nouvelle Mama, savoure ton Baby Brain ! ♥